« Il serait probablement nécessaire de distinguer différents registres de la violence selon les modalités du travail projectif : l’un serait proche de la destruction et de l’anéantissement, comme en témoignent les agirs auto et hétéro-destructeurs dans le fonctionnement psychotique non délirant, qui tendent à exclure l’objet et à travailler contre lui ; la limite pourrait être l’autisme infantile précoce, où l’absence d’objet ne laisserait plus aucune possibilité d’identification à la souffrance d’autrui ; l’autre serait davantage du registre de l’emprise, comme on peut l’observer dans les fonctionnements psychotiques délirants qui tendent à inclure l’objet et à utiliser les perceptions en provenance de celui-ci. C’est probablement ainsi que l’on pourrait comprendre la violence corrélative de l’identification projective pathologique, où il ne s’agit pas seulement d’exprimer un fantasme mais d’exercer une pression réelle sur l’objet, afin d’en prendre possession de l’intérieur et de le contrôler : d’où la violence dans la relation interpersonnelle entre le sujet et l’objet pour que l’objet en vienne à penser, à sentir et à se comporter conformément au fantasme projectif (A. Gibeault, 1985). Une forme subtile de cette interaction violente pourrait se rencontrer dans ces cas de « violence innocente » (C. Bollas, 1991), où le sujet fait vivre à l’objet une agression insupportable et dénie en avoir la moindre responsabilité en adoptant une attitude d’innocence. »
Extrait de “Violence et vie psychique: impasses et élaboration”,
Alain Gibeault, Revue fr. psychanalyse, LVII 4, 1993.